FIDA : Vers une assurance ouverte, personnalisée… et contestée

  • Eric Brétéché, Product Marketing Manager

July 02, 2025

Installé dans son canapé un dimanche soir, Julien ouvre son application de gestion de budget. Au fil des mois, elle est devenue son alliée du quotidien. Ce jour-là, une alerte attire son attention : « Vos contrats d’assurance sont-ils toujours adaptés à votre situation ? ». Intrigué, il accepte de synchroniser ses données grâce à l’autorisation sécurisée offerte par les API FIDA, en toute transparence.

En quelques secondes, l’application analyse ses contrats auto, habitation, et vie quotidienne.

Premier constat : il paie deux fois une assurance scolaire pour ses enfants – l’une via sa mutuelle familiale, l’autre via le collège. L’app identifie ce doublon inutile et lui propose de résilier le contrat superflu. Puis, elle lui suggère deux nouvelles offres auto et habitation, 15 % moins chères, à garanties équivalentes. Trois clics plus tard, Julien change d’assureur.

Pour lui, c’est une évidence : l’accès simplifié à ses données d’assurance change radicalement la manière dont il gère sa protection.

Et cette évolution réglementaire porte un nom : FIDA, pour Financial Data Access.

FIDA, ou l’ouverture encadrée des données d’assurance

Le règlement FIDA, encore en négociation au printemps 2025, constitue l’un des piliers de l’agenda numérique européen. Son ambition : étendre les principes de l’open banking à l’ensemble du secteur financier, assurance incluse. Concrètement, chaque assuré pourra autoriser une tierce partie – une insurtech, une banque, un agrégateur – à accéder à certaines de ses données, via des API normalisées, dans un cadre sécurisé et maîtrisé.

Pour les entreprises, c’est une contrainte technique importante, qui va bien au-delà de l'ajout d'une simple fonctionnalité. Le partage de données ne pourra se faire qu’à travers des interfaces de programmation ouvertes (API), interopérables et sécurisées. Or, de nombreux assureurs historiques n’ont pas encore modernisé leurs systèmes d’information. La mise en conformité pourrait donc représenter un coût significatif, notamment pour les compagnies ayant accumulé des couches technologiques anciennes. Certains estiment cet investissement à 2 à 3 % du chiffre d’affaires annuel, rien que pour les premières étapes.

Un texte qui divise profondément l’Europe assurantielle

Derrière les promesses de transparence et d’innovation, FIDA fait débat. En France comme ailleurs, de nombreux assureurs expriment de fortes réserves : coûts techniques, perte de la relation client, risques accrus de cybersécurité. Le secteur redoute de devenir un simple fournisseur de données, tandis que des plateformes tierces capteraient l’essentiel de la valeur.

Face à la pression des fédérations professionnelles, le texte a été partiellement ajusté. Les assurances santé et prévoyance ont été exclues du champ obligatoire. Les PME du secteur sont exemptées des obligations techniques les plus lourdes. Et les assureurs pourront facturer l’accès à leurs données, sous conditions strictes.

Mais les inquiétudes persistent. Certains États membres ont même plaidé pour un retrait du projet. En vain. Le Conseil de l’UE et le Parlement ont trouvé un accord sur une mise en œuvre progressive, avec des délais étendus jusqu’en 2027, pour donner le temps aux acteurs de se préparer.

Des expériences étrangères inégalement convaincantes

L’Europe est pionnière, mais d’autres pays expérimentent. Le Brésil a lancé son programme “Open Insurance” dès 2021. Plus de 16 millions de transactions API ont été enregistrées en un an. Toutefois, l’adoption par les consommateurs reste lente, et le régulateur a dû revoir le calendrier initial.

L’Australie, via son régime CDR, a intégré l’assurance en 2024. Les premiers résultats montrent une réduction des primes moyenne de 15 % pour les consommateurs, mais aussi une adoption inégale chez les PME.

Au Royaume-Uni, des initiatives sont en cours, mais le pays adopte une approche progressive et volontaire. Les États-Unis, eux, restent fragmentés, avec des initiatives principalement privées, sans cadre fédéral.

Toutes ces expériences montrent que le succès d’une ouverture des données dépend de la qualité des standards, de l’implication des régulateurs, et de la confiance des utilisateurs.

Insurtechs en embuscade, régulateurs sur le fil

Du côté des insurtechs, FIDA est perçu comme une opportunité inédite. Ces nouveaux entrants voient dans cette ouverture un levier de croissance : comparaison de garanties, alertes personnalisées, détection de doublons, optimisation des coûts… Autant de services qui deviennent accessibles à condition d’avoir un accès fiable aux données assurantielles.

Mais ces acteurs appellent aussi à une mise en œuvre réaliste. Les API doivent être exploitables dès le départ, les coûts d’accès encadrés, et les jeux de données clairement définis pour éviter une guerre des formats.

Pour les régulateurs, le défi est clair : accompagner cette transformation sans déséquilibrer le marché. La cybersécurité, l’équité d’accès, la protection des données sensibles sont autant de points de vigilance. Le bon équilibre reste à trouver.

Conclusion : une transformation structurelle à surveiller de près

FIDA ouvre une nouvelle étape dans la régulation du secteur assurantiel européen. Il promet davantage de transparence, de portabilité des données et de services personnalisés. Mais son impact réel reste à mesurer : entre contraintes techniques, coûts d’adaptation et incertitudes sur l’adhésion des assurés, rien ne garantit un succès immédiat.

Ce qui est certain, en revanche, c’est que les assureurs ayant modernisé leurs systèmes d’information, en misant sur des architectures agiles et ouvertes, seront mieux armés pour faire face à cette transition. Dans un environnement où les attentes des assurés évoluent rapidement – fluidité, clarté, autonomie – et où la réglementation devient plus exigeante, la capacité à s’adapter vite fera toute la différence.

FIDA ne sera peut-être pas une révolution, mais il pourrait bien devenir un révélateur : celui des acteurs capables de transformer la contrainte en avantage concurrentiel… et des autres.